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samedi 9 mars 2024

masochisme moderne

" Dans son étude sur la forme que revêt le masochisme chez l’homme moderne, Thedor Reik avance une vue intéressante. Le masochisme est plus répandu que nous ne l’imaginons car il prend une forme atténuée. La dynamique de base est la suivante: le sujet perçoit quelque chose de mauvais dont la venue est inévitable. Il ne peut rien faire afin d’interrompre le processus; il est réduit à l’impuissance. Le sentiment de son impuissance engendre chez lui le besoin d’exercer quelque contrôle sur cette souffrance imminente - n’importe quelle forme de contrôle fera l’affaire. C’est logique: le sentiment subjectif de sa propre impuissance est plus douloureux que la souffrance à venir. Aussi le sujet a-t-il recours, pour se rendre maître de la situation, à la seule voie qui lui reste ouverte: il concourt à hâter la venue de ce malheur prochain. Cette activité encourage chez lui l’impression erronée qu’il aime la souffrance. Il n’en est rien. La vérité est simplement qu’il ne peut plus supporter sa propre impuissance, ou son impuissance supposée. Mais le mécanisme par lequel il acquiert la maîtrise de cette souffrance de toute façon inévitable l’amène automatiquement à devenir anhédoniste (c’est-à-dire à ne plus pouvoir ou à ne plus vouloir éprouver le plaisir). L’anhédonie s’installe sournoisement et en vient, au fil des années, à dominer le sujet. Ainsi apprend-il, par exemple, à différer la gratification - c’est là une étape du triste processus de l’anhédonie. En apprenant à retarder la gratification, il éprouve un sentiment de maîtrise de soi; il est devenu stoïque, discipliné; il ne cède pas à la pulsion. Il possède la maîtrise. Maîtrise de soi quant à ses pulsions, maîtrise de la situation extérieure. Il est un sujet qui se maîtrise et qui maîtrise. Bientôt, il a étendu le processus et exerce sa maîtrise sur d’autres sujets, car cela fait partie de sa situation. Il devient un manipulateur. Naturellement, il n’est pas conscient de la chose; il ne s’agit pour lui que d’atténuer le sentiment de son impuissance. Mais la tâche qu’il s’est ainsi fixée le conduit à asservir insidieusement la liberté d’autrui. Pourtant il n’en retire aucun plaisir, aucun gain positif sur le plan psychologique; tous ses gains à lui sont fondamentalement négatifs. "

rapporté par Philip K. Dick dans Siva (Trad. Robert Louit)

jeudi 25 mai 2023

Ajahn Chah

 







Ajahn Chah. « Tout apparaît, tout disparaît : Enseignements sur l'impermanence et la fin de la souffrance.»

mardi 16 mai 2023

Les chtarbés

Obstacles, impasses et pièges de la vie spirituelle

par Marc-Alain DESCAMPS

(signalé par Flo il y a très longtemps, et retrouvé dans la poubelle d'un de mes blogs)

http://europsy.org/marc-alain/pieges.html

Bien des personnes veulent avoir une vie spirituelle. Il s’agit d’une recherche de l’intériorité dans la dimension de la profondeur, une découverte de son essence, une plongée vers l’unité. Elle peut être menée dans le cadre d’une religion, comme autrefois où elle a été illustrée par tous les grands mystiques Catholiques, Orthodoxes, Hindous, Soufis, Bouddhistes ...
Mais actuellement cela peut se dérouler hors du cadre de toute religion, dans la quête de la dimension du Sacré et de la découverte du Divin à l’intérieur de soi. Assez souvent, cette recherche prend assise sur des pratiques selon une voie traditionnelle, hors d’une religion : Soufisme, Yoga, Taï chi, Zen, Bouddhisme tibétain, Hésychasme, méditation, retraite, pèlerinage, prière chrétienne …
Mais que l’on soit seul ou dans un groupe, les pièges sont nombreux et bien des personnes stagnent ou se découragent. Il existe en effet dans l’homme deux niveaux : la réalisation spirituelle et le nettoyage psychologique de la personnalité et de son inconscient par une psychanalyse. Et comme ils sont indépendants, l’un ne devrait pas aller sans l’autre.

A. Les premiers obstacles

Un certain nombre d’obstacles peuvent être évités, une fois qu’ils sont reconnus.

- Les dissuasifs. Bien des gens traitent de tous ces sujets, alors qu’ils n’ont, de toute évidence, aucune vie spirituelle. Ils ne parlent et n’écrivent des livres ou des revues sur les dangers que pour dissuader d’y entrer et par conséquent pour se justifier de ne pas y entrer. Au lieu de nier ouvertement la voie spirituelle, ils se contentent de présenter quelque chose de frelaté sous ce nom. Une connaissance livresque dans ce domaine ne suffit pas, il convient d’en avoir une expérience authentique.

- Les tartuffes. Comme dans toutes les religions, on trouve aussi dans la spiritualité des hypocrites, qui veulent en tirer profit en donnant le change. Combien de savants intellectuels savent parler avec éloquence, d’après leurs seules lectures, de ce qu’ils ignorent complètement. Ils excellent à traiter de la mystique comparée et leurs discours sur les mérites des voies de l’Orient et de l’Occident (ou leur mélange) sont très à la mode. Mais il en a toujours été ainsi, le Lama Brug-pa écrivait déjà au Tibet au XVème siècle : « Un maître authentique est plus rare que l’or, les charlatans plus nombreux qu’un nid de fourmis ».

- Les paresseux. Ils sont tombés dedans dans leur enfance et se laissent porter, victimes de la routine, de l’inertie et de leur paresse. Entrée à cinq ans chez les Religieuses, Sainte Gertrude de Hefta déclarait « avoir à 20 ans aussi peu de souci de son âme que de la crasse de ses pieds ». Combien d’autres s’endorment dans une routine monotone et désuète. C’est la voie des tièdes ou médiocres, contents d’eux-mêmes sans élan, sans ferveur et sans intensité. (Luc XII, 40)

- Les satisfaits d’eux-mêmes. Ces narcissiques, souvent jeunes, ont mal compris la formule « que tout est déjà là » (Tathâgatagarbha). Et ils attendent que tout arrive instantanément, sans travail et sans effort. Oui, tout est déjà là en nous, mais en potentialité, comme le chêne est dans le gland. (Mais un gland n’est pas un chêne). Cela ne doit point nous épargner une vie de recherche, de sacrifice et de progression et ce n’est qu’au bout du chemin à la fin d’une vie que nous pourrons réaliser qu’en effet la statue était déjà dans le bloc de bois ou de pierre.

- Les champions sportifs. D’autres n’explorent ces domaines qu’au titre du « Développement personnel ». Ils veulent tout savoir et se développer au maximum. Ils veulent être les meilleurs : les champions du monde de la spiritualité puisqu’ils ont traversé absolument toutes les voies et connaissent tout. Ils sont pleins de curiosité et d’entrain, mais tout est au service de leur égo.

- Les clients du supermarché du spirituel. Ce monde du voyage intérieur est devenu un marché où l’on trouve toute une série de machines et de gadgets pour aller plus vite, sans effort, automatiquement. On trouve à acheter des musiques new age, des encens et odeurs planantes, des bougies hopi, des gongs, des lunettes flashantes de l’intérieur, des casques pour sorties hors du corps, des water-beds, des piscines de l’extase, des sauts à l’élastique, ou des voyages au désert pour écouter un bavard faire ses trois conférences par jour …

B. Les impasses

Le problème principal est que la spiritualité est une superstructure, elle ne vient qu’en dernier et coiffe l’ensemble de la personne humaine, par conséquent tout se transpose en elle. En particulier tous les défauts et les problèmes psychologiques (psychanalytiques, psychopathologiques et psychiatriques) vont se transposer tels quels dans sa vie spirituelle et mener à choisir une voie qui aille dans le sens de ses défauts et permette de ne pas changer. On a ainsi trouvé une justification divine à ses travers.

Par exemple :
- Celui qui vit dans l’indifférence, car il est coupé de ses sensations, va choisir la voie du détachement. Rien ne lui est plus facile, car il n’arrive pas à se décider et il se moque de tout. A coté se trouve aussi la voie du Renoncement ouverte à tous ceux qui sont en dépression ou simplement déprimés.

- La voie de l’humilité est prise par celui qui vit dans la dépréciation, le mépris, la haine de soi ; (« Je ne vaux rien parce que mon papa est mort quand j’avais dix ans, ou a divorcé ou est parti … Donc je ne mérite pas mieux »).

- La mort de l’égo est un thème qui plaît beaucoup à tous ceux qui se haïssent eux-mêmes et sont suicidaires. Faute de tuer leur corps, ils sont d’accord pour faire le sacrifice symbolique de leur moi-égo. Mais ceux qui ont des problèmes psychotiques d’identité et ne savent plus qui ils sont, peuvent aussi choisir ce masque justificatif.

- L’instable qui ne peut rien construire (famille, travail, insertion municipale) ou celui qui détruit aussitôt ce qu’il vient de construire, car il s’ennuie dans le succès, va adopter la voie de l’errant (beatnik, vagabond, pèlerin …). Il fait le tour du monde sur son bateau ou du désert sur son chameau. Il ne peut pas s’attacher, donc il se croit libre.

- L’agoraphobe, au contraire, qui a peur des autres et de l’organisation de la vie va devenir ermite. Il ne rêve que de rester toute sa vie dans sa cellule ou dans sa grotte. Il médite tout seul et ne s’occupe que de lui-même dans un profond égoïsme, heureux dans la clôture du couvent qui le couve.

- Le claustrophobe qui a peur d’être enfermé ou mis en prison, va devenir le moine prêcheur itinérant. Il va développer tout un discours apologétique sur « l’Ouvert » par opposition au fermé, au clos.

- Les masochistes (et les sadiques car on ne peut pas les séparer, unis dans leur sadomasochisme) ont eu d’extraordinaires justifications dans les siècles précédents avec tous les raffinements des ascèses, jusqu’à se croire un saint (ou une sainte) parce qu’il (ou elle) se flagelle deux fois par jour. Mais les variétés des mortifications et tortures ont été quasi-infinies. Ainsi les anorexiques sont passées inaperçues dans la glorification des jeûnes.

- Le dominateur puissant et orgueilleux transpose sa volonté de puissance sur l’Ordre religieux dont il devient vite le Général, ne travaillant désormais que pour le bien de l’Ordre. Et les narcissiques ressentent toute atteinte à leur Ordre comme une blessure narcissique.

- Les délirants ont toute latitude pour développer un extraordinaire système religieux (hérétique on non), ou écrire leurs livres de conversations avec Dieu, les anges, les esprits des morts ou des extragalactiques conducteurs d’OVNI ... Mais comme l’écrit Freud (L’avenir d’une illusion), c’est le mérite de toutes les religions d’éviter la peine de s’inventer un délire individuel en entrant directement dans un grand délire collectif.

- Ceux qui vivent un éclatement de leur personnalité (Spaltung) ont des lambeaux de leur inconscient qu’ils ne reconnaissent plus ou parfois des personnalités multiples. Ils entendent des voix, ont des apparitions, des visions, des hallucinations, des transes, des phénomènes de possession ... Ces messages de leur inconscient, ils les nomment intuitions, prémonitions, guide intérieur. Ils voient des synchronicités partout, ils ont l’impression d’avoir déjà vécu cela, d’être déjà venus en ces lieux, d’y avoir été dans une autre vie. Certains confondent leurs pulsions avec « le maître intérieur ».
On peut d’ailleurs se poser la question de savoir s’il y a une transposition ou une simple translation, alors qu’il faudrait une sublimation. Ces problèmes psycho-spirituels sont étudiés dans « La psychanalyse spiritualiste ».

C. Les pièges

Avant de vouloir grimper sur les sommets, il serait peut-être plus avisé de commencer par se nettoyer. Pour se connaître mieux et consolider les bases, on peut faire une psychanalyse ou une bonne psychothérapie analytique. De toute manière c’est un travail que l’on n’évitera pas car s’il n’a pas été fait de façon préalable, il s’abordera dans la voie traditionnelle. Mais ce qui sera occupé à ce nettoyage ne sera pas disponible pour la progression spirituelle.

Par exemple, ceux qui suivent la voie du Zen sans préparation vont revivre d’abord leurs conflits pendant les longues séances de méditation dont certains sortiront en pleurs par apitoiement sur soi-même, alors que d’autres, à cause de leur agressivité, sentiront leur colère grandir au fil des séances pendant des années.

Dans les méditations le piège le plus courant est de confondre le sommeil et l’état de vacuité. On croit que l’on médite bien car l’on entre dans un état de somnolence ou une inertie mentale (de type Tamasique selon le Yoga) surtout si l’on croit que l’on peut méditer dans un bon fauteuil. Le Zen qui connaît bien ce défaut ramène à la vigilance avec un coup de bâton (kyusaku) sur les muscles trapèze. Puis l’on peut utiliser des trucs auto-hynotiques, comme d’osciller sans cesse d’avant en arrière, de balancer la tête de droite à gauche ou de pratiquer une révulsion des yeux …

La notion de vide est souvent utilisée de façon insidieuse à partir d’un certain bouddhisme pour justifier le nihilisme occidental, alors que le Bouddha a toujours polémiqué contre les nihilistes. La Vacuité orientale est la Plénitude dont sortent toutes les Formes. Dans l’esprit il faut par les méditations atteindre le vide mental, ou silence des pensées, pour entrer après dans la Claire Lumière et ne faire qu’un avec le Bouddha.

Après peut venir ce que les Pères du Désert ont nommé l’acédia. Il s’agit d’une désaffection et d’une perte de motivation qui pouvait atteindre les moines après de longues années de pratique. Sans doute ce que l’on connaît actuellement comme le break down ou le blow up des milieux humanitaires.

De plus en plus d’Américains, puis d’Européens, publient des livres pour faire savoir à l’univers qu’ils ont atteint l’Eveil, qu’ils n’ont plus d’égo et que l’on peut désormais s’inscrire à leurs stages. Leur expérience est souvent un simple moment de joie où ils se sont sentis bien, en soudaine harmonie avec tout leur milieu. Le malheur est que cela vient après une période de dépression, appelée évidemment « nuit obscure ». Et les psychiatres ne voient en cela qu’une structure maniaco-dépressive, maintenant dite bipolaire.
Le dernier piège, et le plus insidieux, est d’avoir une expérience ou une réalisation et de croire que c’est l’expérience suprême et ultime. Alors que dans la spiritualité il y a toujours à progresser. Comme le demandait le Sutra du Lotus « il faut aller par l’Au-delà, dans l’Au-delà de l’Au-delà, vers l’Au-delà de l’Au-delà de l’Au-delà … ».
Le pire des pièges en ces domaines est de faire profession de Gourou dans son ashram. Les plus critiqués ont été Rajnesh/Osho et Hamsananda à Castellane avec ses statues. Un fondateur de secte est souvent une personnalité paranoïde et s’il ne l’est pas au début, sa position au sommet de la pyramide va le conduire à devenir paranoïaque. Sa névrose va l’amener à faire son profit personnel de l’argent, du sexe de son harem, du pouvoir, des honneurs et de l’Adoration. Lui n’a pas de conversation avec Dieu, il est Dieu. Il est vrai que dans ces domaines, on rencontre des forces colossales qui peuvent provoquer une inflation de l’égo (« la grosse tête ») où l’on ne peut plus supporter les autres. Il ne faut pas confondre charisme et sagesse ; les deux niveaux sont, hélas, indépendants.

Le critère d’une expérience spirituelle authentique ou mutation réussie est le résultat (comme dans une expérience de mort imminente) : en est-on devenu plus patient, humble, modeste, à l’écoute des autres, compatissant, généreux, sachant que la seule chose importante sur terre est de vivre dans l’amour désintéressé et de faire le plus de bien possible autour de soi ?

Conclusion

La conclusion ne peut être qu’un élargissement à tous les auteurs qui ont déjà apporté de l’aide dans la guidance spirituelle pour cette quête vers le meilleur de soi-même. Ils ont montré qu’existent l’Eveil, la Réalisation, l’Union avec le Divin, l’Etat non-duel …

L’éducateur donne ses connaissances, le guide se donne lui-même. Le guide est celui qui répare nos frustrations, libère du karma, du mental, de l’égo et transmet son niveau de Conscience et de Lumière.

Krishnamurti (1895-1986) en proclamant que « la vérité est un pays sans chemin » a eu comme unique souci, la libération totale et inconditionnelle de l’homme. Il la trouve dans la psychologie et l’étude attentive des conditionnements que nous nous créons sans cesse. La révolution du silence permet par une vision pénétrante de rendre son esprit ouvert comme un ciel sans nuage.

Jack Kornfield en publiant en 2000 « Après l’extase, la lessive » a fait le relevé de tous les défauts des grands maîtres spirituels américains. Et le même livre pourrait être écrit sur bien des noms célèbres de France et d’Europe. Monter dans la spiritualité, sans avoir amélioré psychologiquement sa personne est de plus en plus scandaleux, selon le proverbe africain « Plus le singe monte haut, plus il montre son derrière ». Mais il ne faudrait surtout pas conclure de son livre que, parce qu’ils ont des défauts, ils ne peuvent plus nous aider. Il y a encore des Mystiques, des Eveillés, de grands Spirituels, mais ils se reconnaissent à ce qu’ils se cachent ou restent discrets.

Pir Vilayat Inayat Khan (1916-2004) apprenait toujours à voir tous les êtres non tels qu’ils sont, mais tels qu’ils seraient s’ils étaient devenus ce qu’ils auraient du être.

Marie-Magdeleine Davy (1903-1998) a passé sa vie à prévenir que « la voie de l’intériorité est remplie de méandres et d’illusions ». Pour explorer l’homme du dedans, il faut éviter le cœur dur, durci et endurci. L’appel du dedans n’est donné qu’à ceux qui ont le goût du silence et du mystère dans un état de liberté. Celui qui a éprouvé la morsure de l’Absolu sait de connaissance certaine qu’il lui est impossible de lui échapper. L’homme essentiel est toujours seul à habiter avec lui-même (habitare secum), mais en présence d’un être de lumière, on se sent toujours meilleur.

Lilian Silburn (1908-1993) dans Les voies de la mystique et Le maître spirituel dénonce dans son chapitre « de l’incompétence à l’imposture » le passage de l’erreur spirituelle à la faute des pseudo-guides. En distinguant la montagne, le sentier et la carte, on peut décrire les marchands du temple qui vendent une montagne qu’ils ne connaissent pas, ceux qui n’ont pas besoin de partir car ils sont déjà arrivés, les cartographes qui n’ont que la carte d’un pays inconnu où ils ne sont jamais allés, ceux qui se souviennent à peine de leur brève ascension, celui qui, parvenu au sommet sans pouvoir en redescendre, ne peut aider personne et enfin le bon guide qui va au sommet quand il veut, a la carte et connaît le sentier.

Ma Ananda Moyi (1896-1982) incarnation de la joie divine demandait de vivre toujours dans la joie et de fuir la tristesse comme son ennemi.

Ammatchi (1953) dans sa précieuse rencontre fait vivre l’amour divin …

Un vibrant hommage et une profonde gratitude sont dus à tous ces êtres merveilleux qui ont tellement apporté dans la vie spirituelle.


Références

Davy Marie-Madeleine, Encyclopédie des mystiques, Payot, 1996.
Descamps, M-A. La psychanalyse spiritualiste, Desclée de Brouwer, 2004
Guyon J-M. Ma vie, Dervy livres, 1983
Kornfield, Jack, Après l’extase la lessive, La table ronde, 2001
Krishnamurti, J. La première et dernière liberté, Stock, 1954
Silburn Lilian, Les voies de la mystique, Hermès 1, Les deux océans, 1981
Silburn Lilian, Le maître spirituel, Hermès 3, Les deux océans, 1983
Vigne Jacques, Eléments de psychologie spirituelle, Albin Michel, 1993

dimanche 14 mai 2023

ni mort ni vif

"la mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif parce que vous êtes, mort parce que vous n'êtes plus."
Michel de Montaigne.

Autrement dit votre propre mort est un non-sujet, seule la mort des autres est un problème pour vous.
Michèle de Dordogne

vendredi 21 avril 2023

Oh, Canada

Fife ne tient pas compte de cette question. Il trouve plus important de répondre tout de suite à Emma. Il préférerait ne pas devoir lui faire subir cette épreuve. L’autre solution consisterait à ne pas la détromper, à la laisser dans l’illusion sur l’homme qui, depuis plus de trente-cinq ans, est son déloyal compagnon – déloyal parce que menteur. Pour lui, quand il mourra, le monde cessera d’exister. Rien n’existera plus. Dans quelques semaines, ou peut-être seulement quelques jours ou quelques heures, la vérité ou la fausseté de tel ou tel aspect du monde n’auront plus d’importance pour lui. Mais pour Emma, quand Leo mourra, c’est seulement ce morceau du monde que constitue Leo, son mari, qui cessera d’exister. Et si elle ne sait pas qui était réellement son mari, alors elle ne saura pas quelle partie de sa vie sera tombée hors de l’existence. Si elle ne sait pas ce qui a disparu, elle ignorera la forme et la nature de ce qui reste.

« J’ai besoin que tu sois ici pour ça, lui dit-il. Je ne te demanderai jamais rien de plus. C’est le seul moyen pour moi de finir ma vie avec une conscience nette. Depuis le début de mon adolescence, ma vie a été un cauchemar, un cauchemar dont je suis l’auteur, et j’essaye enfin de m’en sortir en me réveillant. Tant que je le peux encore.

Mais pourquoi est-ce que tu ne te débarrasses pas de ce poids, si c’est ce que tu fais, avec moi seule ? En privé. Pourquoi faut-il que tu le fasses en public, devant une caméra ?

Il a besoin de la caméra, du micro et de l’obscurité. Le seul moyen que connaît Fife pour dire la vérité, c’est de s’asseoir ainsi dans le noir devant la caméra, au lieu de se poster derrière elle, puis de se fixer un micro à l’aide d’un clip et de se mettre à parler. Sans la caméra qui l’observe, sans le micro qui l’écoute, sans l’obscurité qui l’entoure, il mentirait à Emma, il mentirait à tout le monde. Il tenterait d’amener Emma à l’aimer plus qu’elle ne le fait. S’il était en mesure de la voir, il lui mentirait. Il surveillerait son visage, surtout ses beaux yeux gris, il noterait la façon dont son corps réagit à ce qu’il raconte, et il réviserait son histoire en conséquence. S’il n’y avait ni caméra, ni micro, ni enregistrement de ce qu’il a révélé, il mentirait. S’il pouvait voir un seul d’entre eux, il mentirait. Même dans l’obscurité, s’il ne parlait qu’à Malcolm, Vincent, Diana et Sloan, il mentirait. S’ils étaient dans une autre pièce où ils le suivraient sur un écran, encore une fois il mentirait. Il tenterait de se rendre plus attrayant, plus intéressant et plus digne d’amour qu’il ne l’est.

Il a passé la plus grande partie de sa vie d’adulte derrière la caméra, hors de vue, posant des questions puis enlevant ses questions au montage pour laisser seulement les mots qu’il voulait qu’on entende et les images qu’il voulait qu’on voie. Exactement comme le fait à présent Malcolm. Malcolm travaillera sur ces rushes et il leur donnera la forme qui convient à ses besoins et ses désirs à lui, pas à ceux de Fife. Ce sera alors l’histoire de Malcolm, pas celle de Fife. Mais tant qu’Emma est là pour écouter Fife et tant que Malcolm n’a pas encore mis la main sur les rushes, Fife est capable de s’empêcher de mentir. Emma est l’unique personne qui aime Fife pour ce qu’il est, peu importe ce qu’il est. C’est l’unique personne envers laquelle Fife n’éprouve pas le besoin, l’obligation de séduire. C’est comme mon ultime prière, dit-il doucement. Qu’on croie en Dieu ou pas, on ne ment pas quand on prie. Et on n’essaye pas de séduire Dieu. 

Banks, Russell. « Oh, Canada. » Actes Sud

vendredi 14 avril 2023

Récapitulons le peu que nous savons sur la récapitulation

Repartons dans l'observation de l'esprit. Il y a en fait la forme, et "sous la forme", on va dire les mouvements énergétiques reliés à la forme. Il est bien évident que ça ne sert à rien de récapituler les formes pour elles-mêmes. Ce qu'il faut, c'est trouver le filament énergétique attaché sous la forme (la racine sous le pissenlit), et le suivre. A partir de quoi on s'aperçoit qu'il y a des centaines de plantes accrochées à la même racine, des pissenlits, des violettes, et même des baobabs.
Bon, je ne récapitule presque jamais parce que j'essaie toujours de le faire sur le vif, mais là par exemple je viens d'en faire une. Par exemple tout à l'heure j'ai eu une explication avec un ami parce qu'il ne voulait pas me laisser prendre un objet en photo. On va dire que ça a duré une bonne demi-heure. Si je récapitule bêtement, je vais me repasser toute la demi-heure. Donc, je fais un gros tas avec toute cette histoire en général, et je regarde ce qui me fait sentir le plus mal à l'aise. C'est juste un moment qui a duré peut-être un dixième de seconde, et qui n'a pas eu lieu au cours de cette demi-heure, mais une heure plus tôt. Quand je pense à ce dixième de seconde, je me sens comme une merde, pour résumer. Donc je me demande pourquoi, et la récapitulation ne consiste donc pas à me repasser la conversation (examiner les pissenlits horizontalement), mais à descendre verticalement le long de ce dixième de seconde, où j'étais en train de regarder l'objet. Il me vient (je parle au présent pour faire plus vivant mais c'est du passé) que c'est comme si j'avais voulu voler cet objet à ce moment, donc voler mon ami, ou encore voler son coeur, vision du chasseur qui a tué le lion dans la brousse et qui se retrouve avec un pauvre animal mort, voilà j'ai tué mon ami, c'est sympa de ma part, et maintenant qu'est-ce que je fais ? Remontons le long de la racine dans la sensation de "voler", en fait c'est rapprocher quelque chose de soi, ou vouloir se le coller à soi dans son espace personnel. Ce qui suppose qu'il y aurait des objets existant en dehors de son espace personnel. Si on y regarde de près, ça n'existe pas. Ce que j'ai projeté sur l'objet n'est qu'une projection de quelque chose que j'ai. Donc je me concentre sur ce que j'ai, je comprends que je l'ai, je rends son objet à mon ami puisque je n'en ai plus besoin, en fait il est en moi, j'en ai même des milliers et je peux même en envoyer (en tant que bénédiction) au monde entier dans l'espace autour de moi.
Je ne dis pas que c'est fini car on ne se débarrasse pas comme ça de son désir d'appropriation du bien d'autrui. Mais en gros c'est l'idée de la récapitulation, et le résultat n'a strictement rien à voir avec l'évenement formel (une explication avec un ami) qu'on aurait cru devoir se repasser en boucle.
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Je pense qu'il faut commencer par repérer l'image clé, car il y a toujours une image clé sur un long événement, souvent pas plus d'un dixième de seconde. Après, il y a un gros blocage sous l'image clé, une plaque de béton sous le pissenlit. Là, faut insister, essayer de sentir où ça va. Ensuite, on voit où ça va, on se retrouve avec une grosse merde, et c'est là où ça se complique. Soit on a les outils pour détordre la chose (la perception des filaments énergétiques qu'on balance un peu partout et la perception de la torsion (l'ignorance) qu'on y a introduit et qui fait qu'on s'est coincé des filaments dans une porte), soit on ne l'a pas. C'est pourquoi je ne conseille pas forcément la récapitulation, car si on ne peut pas traiter le problème, c'est encore pire après.

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Toutes les méthodes indiquées par les traditions sont valides pour développer ce sens, cela dit je pense qu'on est plus sûr d'arriver si on met les 3 étages : physique (qi-gong ou yoga), psychologique (récapitulation), et conscienciel (PP, vipassana)... et avec la transmission d'un maître c'est pas plus mal, parce que tout cela doit être fait dans la perspective de la nature de l'esprit. Pour qu'un arbre pousse droit, il doit être attiré par le point le plus haut du ciel.
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20/04/01. Un exercice de récapitulation.
A force de lire Castaneda, je me décide à entreprendre une récapitulation plus systématique, mais sans grand espoir. En effet la pensée perceptive a dénoué des tas de fils qu'il va falloir ruser pour remettre ensemble et rien que l'idée me fatigue. En effet, la récapitulation faite en respiration consciente introduit la respiration consciente dans le souvenir-même, et si le souvenir a déjà été repassé, il a de ce fait été modifié. Il évoque donc des images qui sont partiellement dénuées de la charge énergétique qui leur était primordialement attachée, soit qu'elle a été récupérée, soit qu'elle s'est simplement détachée et qu'il va falloir la retrouver autrement. Et c'est là que ça devient compliqué car soit il faut y aller par les émotions directement (« toutes les fois où j'ai déçu quelqu'un, toutes les fois où j'ai subi une injustice ») soit il faut ruser et amplifier les émotions contenues dans les images, c'est-à-dire ne pas hésiter à trafiquer les images dans ce sens.
Donc, après avoir dressé une liste d'environ 200 personnes, je décide hier soir de m'attaquer à un morceau pas trop gros d'un point de vue temporel et a priori pas « dangereux », mes profs de piano d'il y a quelques années. Je commence par S.A., et bien que je l'aie fréquenté un an et demi, franchement rien d'intéressant ne vient. Je passe donc à son élève S.L. chez qui j'avais été quelques mois et qui m'avait amené chez lui. Rien ne vient d'un point de vue factuel, cependant je me dis que j'aimais bien ce garçon, et que j'avais été ennuyée quand il avait trouvé une copine. Une super-copine d'ailleurs, que j'ai peu vue, mais qui m'avait marquée à ce point que que ça m'avait suffi pour en faire un personnage important de mon roman à une certaine époque. Je commence à me dire que si ça se trouve je devais être plus ou moins amoureuse de SL, alors que rien de factuel ne me revient à ce sujet, mais ma politique est de faire confiance aux impressions présentes plutôt qu'à des déductions sur ce qu'a dû être le passé. Le pire c'est que toujours factuellement, il était évident que je n'avais rien à faire avec ce garçon. Du coup je me mets penser à d'autres garçons qui m'inspirent le même sentiment troublant qui peut se résumer à : il était évident que je n'avais rien à faire avec et pourtant le fait qu'ils ne me regardent pas m'énervait ou me rendait triste. J'ai pensé à des types du Gymnase club que j'avais trouvés plutôt mignons à l'époque mais qui eux ne me disaient même pas bonjour, et finalement, à toute une série de types dont certains ne m'intéressaient même pas, mais dont je ne supportais pas l'indifférence. Et je me suis aperçue qu'ils étaient sacrément nombreux. J'ai repensé à ce que disait la liseuse d'auras « vous avez un problème avec les hommes » et que je ne comprenais pas. En fait je ne pouvais pas comprendre puisque moi j'avais toujours le sentiment de bien les aimer, mais le problème, si on peut dire, se situait dans le fait que je ne supportais pas leur indifférence. Et que c'était un problème en ce sens qu'après tout on ne peut pas être aimé de tout le monde et que je n'étais pas la première à trouver sur ma route des gens indifférents. Là, il était évident que la chose venait de très loin dans mon enfance, et je me suis demandée si ça venait d'une certaine attitude de mon père qui de toute évidence refusait un certain nombre de mes comportements de petite fille vis-à-vis de lui. Ça pouvait être une explication valable pour dire que je jouais toujours ce même scénario en me débrouillant pour me faire jeter par tous les mecs qui me plaisaient, mais quelque chose dans cette explication n'allait pas du tout car de fait aucun de ces mecs ne ressemble à mon père. J'ai donc commencé à chercher à qui ils pouvaient bien ressembler, sans voir du tout. Nouvelle galipette mentale, j'ai cherché parmi les personnages fictifs. Mais ça ne figurait pas non plus dans mes personnages de roman, pas clairement en tous cas. C'est là que me revient un film vu récemment, 84 Charing Cross Road avec Anthony Hopkins où j'ai pleuré comme une madeleine parce qu'il était mort à la fin. Je détaille le personnage : le pauv' mec gentil qui vit une petite vie minable, coincé au possible, pantoufles, horaires stricts, qui décroche pas un mot à table, qui lit son journal tous les matins, qui bricole ses machins à lui tout seul dans son coin, et qui se garde tous ses problèmes pour lui. Je me demande où j'ai bien vu voir ça quand j'étais petite, et soudain, je réalise : mon grand père maternel. En fait il n'est pas exactementcomme ça, mais c'était effectivement un pauv' type tout seul dans son coin. Ici se dégage un fait très important : je n'ai JAMAIS eu le sentiment que mon grand-père en tant que lui-même était quelqu'un d'important pour moi, et je n'en ai toujours pas l'impression, c'est-à-dire que l'image globale de mon grand-père en tant que tel n'évoque qu'une émotion très diffuse. Pourtant il est effectivement dépositaire de l'image du père, comme le lit de la rivière est dépositaire de pépites d'or, mais il faut le passer au tamis pour s'en rendre compte.

L'idéal, c'est ensuite d'avoir des zones-tests permettant de savoir si l'énergie est dégagée ou pas. Dans mon roman, par exemple, le personnage de Matthews qui a hérité partiellement du grand-père l'exprimait dans le fait qu'il était amoureux d'une bonne soeur qui ne voulait pas de lui et que c'était la tragédie de sa vie. A la fin, je pensais lui faire retrouver la bonne soeur (« et ils vécurent heureux ensemble »), qui en réalité n'est pas du tout le genre de femme qu'il lui faut : il la faut à mon grand-père, mais pas à Matthews qui est fondamentalement quelqu'un qui cherche la liberté (comme moi). Eh bien brusquement la fin de cette histoire a changé. Matthews revoit la bonne soeur, s'aperçoit qu'il n'est plus amoureux, et se met avec une femme qui, comme lui, est libre. Et il n'en a pas même « besoin », en ce sens la relation a cessé d'être fusionnelle. Elle l'enrichit mais ne le rend pas dépendant. En quelque sorte, il est devenu complet. Alors qu'avant, quelque chose manquait, un certain type de femme qui représentait le souvenir de sa mère.
Car, suite de l'histoire, je me suis demandée pourquoi beaucoup de femmes me mettaient mal à l'aise. En fait c'était toujours les mêmes : celles qui allaient avec des genres de types comme mon grand-père, c'est-à-dire des femmes qui ne peuvent pas se passer de leur mec (qui lui, ne peut pas se passer d'elles). En plus de ça je leur en voulais de me piquer ces mecs qui n'étaient pas du tout faits pour moi. Alors qu'en fait, les femmes libres, je les apprécie plutôt.
D'ailleurs après tout ça j'ai eu une étrange crampe d'estomac, avec une acidité qui est remontée, or mon grand-père avait un ulcère à l'estomac.

En somme l'exercice de la récapitulation, pour être efficace, me semble exiger certaines conditions :
- jouer à saute-mouton entre personnages/faits réels et imaginaires pour suivre les chaînes émotionnelles.
- ne pas faire confiance à la logique : un personnage ne représente pas forcément ce qu'il est censé représenter. Par exemple, Dark Vador représentait pour moi l'image de la mère primordiale plutôt que l'image du père.
- ne pas faire confiance à l'image-camescope mais chercher plutôt à quelle impression elle pourrait être reliée. Ce sont les impressions qui donnent la clé, pas les formes et les couleurs des choses. Par exemple je peux décrire un perroquet comme un animal sournois, peureux et lâche. Ce qui est important c'est le qualificatif, pas l'oiseau extérieur. De même je peux décrire Superman comme étant : pas très malin, faible, et coincé. C'est sur ces qualificatifs qu'il faut remonter les chaînes émotionnelles.
- Appuyer toujours là où ça fait le plus mal et amplifier tout ce qui paraît pertinent. De la sorte on définit une ligne de plus grande pente et on arrive vite au fond du trou. La règle, c'est que les souvenirs les plus anodins sont fractalement reliés aux plus gros noeuds, mais qu'on fait tout pour les éviter. En fait on sait immédiatement ce qu'on a fait dans une relation, mais on se le cache immédiatement. Dans ce cas, on peut se demander : que n'ai-je pas fait ? Par exemple, quand j'ai dit telle chose à telle personne, « ce n'est évidemment pas la jalousie qui m'a motivée ». Il suffit d'enlever le « ne... pas » et on obtient la ligne de plus grande pente.
- ne pas hésiter à fantasmer tout et n'importe quoi. Exemple, j'ai eu un accident de patin à roulettes il y a quelques années. Je me suis retrouvée sur une route en forte pente avec uniquement des rochers de chaque côté. Finalement je me suis retrouvée la tête la première dans les rochers à 30km/h. Je n'ai rien eu de grave mais le soir-même, je sentais bien que de l'énergie s'était accrochée dans le souvenir de l'accident. Donc j'ai commencé à me le repasser sous tous les angles, mais ça ne suffisait pas, alors je lui ai imaginé toutes les fins possibles, l'hosto, le cimetière etc... Jusqu'au moment où ça ne me faisait plus rien. On fait facilement la différence entre les fantasmes qui récupèrent de l'énergie et ceux qui n'en récupèrent pas. De même un film qui laisse une sale impression, il faut plonger droit au coeur de l'impression et chercher toutes les imaginations qui lui sont reliées, on trouve vite des sensations physiques. Après quelques passages, l'énergie se vide.

Les scientologues ont une technique équivalente puisque l'électromètre permet de repérer l'endroit précis où l'émotion est accrochée. Il s'agit ensuite de se repasser tous les « antérieurs et similaires », d'en dégager l'énergie (en repassant cent fois dessus) et ensuite et se les repassant à l'électromètre pour vérifier que l'émotion a disparu.

Ce qui dans le cas présent tient lieu de repassage à l'infini, c'est la respiration consciente, qui permet de minimiser le nombre de passages.
Ceci cependant ne permet de dégager que les petits problèmes. Pour les gros qui sont reliés à des structures fondamentales, soit il faut repasser à l'excès et au hasard tous les événements plus ou moins liés et qui le sont par centaines, soit on retrouve la source (sous forme d'événement ou d'image primordiale) : dans ce cas, soit la clarté tient lieu de nettoyant, et tous les souvenirs reliés sont automatiquement libérés, soit elle permet de retrouver les souvenirs liés qui seront plus facilement libérés du fait de cette nouvelle connaissance. Mais dans tous les cas, la respiration consciente constitue un accélérateur.

Le problème de telles méthodes est évidemment qu'elles sont très efficaces, mais à quoi ? A récupérer de l'énergie, sans doute, à destructurer la personnalité, surtout. Dans le cas de la Sciento, ce qui remplace l'ancienne personnalité est l'égrégore de la sciento. Dans n'importe quel groupe (bouddhisme, castaneda) pratiquant ça, s'il n'y a pas de base, la base deviendra l'égrégore du groupe. Dans le cas de la psychanalyse, la base devient une nouvelle personnalité reconstruite selon les canons de l'école envisagée.
Il faut donc savoir que si on pratique l'exercice sans filet, on deviendra un porte-parole de l'égrégore de l'école à laquelle on appartient. La seule alternative c'est d'avoir sa propre base, qui n'est autre que l'état naturel du Dzogchen auquel on ajoutera éventuellement le « Je » transcendental ou « Soi », donc l'existence est avérée aussi bien dans le dzogchen que chez Ramana Maharshi par exemple (« il y a un Soi mais ce Soi est un Je »). Par la pratique de la remémoration, c'est cette base qui apparaît. Mais dans le bouddhisme par exemple, on voit beaucoup de ratés, de gens n'ayant pas trouvé l'état naturel, et qui du coup sont investis par l'égrégore.
L'état naturel étant l'état dont surgissent spontanément toutes les qualités (vacuité, clarté, béatitude, et ensuite « vertus » de toutes sortes), si ces qualités ne sont pas expérimentées, on peut être certain que l'état expérimenté n'est pas l'état naturel, que par conséquent la base est fausse et que l'exercice de remémoration aura les plus funestes conséquences.
En fait, l'état naturel (le chrétien dirait « la présence de dieu ») est ce qui fait que les pratiques seront libérantes ou aliénantes (alors que l'efficacité est déterminée par la conscience - sous forme d'attention globale ou de respiration consciente - ou par d'autres facteurs énergétiques). Le danger est en fait celui d'une pratique efficace mais aliénante par l'absence de l'état naturel comme base. Dans ce cas, la personne peut être éloignée d'elle-même sans aucun moyen de s'en apercevoir (c'est ainsi qu'on voit des gens changer du tout au tout après être entrés dans une secte).

samedi 25 mars 2023

The Beast in Me

 

ce n'est pas la version originale écrite par Nick Lowe, mais Mark Lanegan aurait pu l'écrire...
 
The Beast in Me


The beast in me
Is caged by frail and fragile bars
Restless by day and by night
Rants and rages at the stars
God help the beast in me

The beast in me
Has had to learn to live with pain
And how to shelter from the rain
And in the twinkling of an eye
Might have to be restrained
God help the beast in me

Sometimes it tries to kid me
That it's just a teddy bear
Or even somehow manage
To vanish in the air
Then that is when I must beware

Of the beast in me
That everybody knows
They've seen him out dressed in my clothes
Patently unclear
If it's New York or New Year
God help the beast in me
The beast in me

dimanche 19 mars 2023

Bouddhisme et dépression

 Par Sherlock, mardi 30 janvier 2007 à 08:13 - Entomologie humaine

 Récemment le Lévrier était préoccupé par un sujet dont je vais maladroitement tenter de parler. C'est le fait que ce qui amène les gens au bouddhisme, ce n'est pas la joie qu'on y perçoit. D'ailleurs si l'on faisait un sondage pour demander aux bouddhistes la façon dont ils perçoivent le bouddhisme, à mon avis, on retrouverait plus souvent sérénité et austérité que joie ou béatitude. En conséquence de quoi ce qui a attiré les gens vers le bouddhisme, c'est plus probablement cette austérité perçue que la perspective de la grande béatitude simultanée. Certes, il y a le désir d'être heureux, mais en passant par des études austères, difficiles... comme si la joie pouvait être le résultat de 10 ou 20 années passées à la Trappe, avec l'esprit sinistre qui lui correspond. D'après le Lévrier, le problème vient de ce qu'il y a chez les occidentaux une espèce de base culturelle de culpabilité et de détestation de soi qui n'existe pas chez les orientaux (et que je ne perçois pas en effet chez mon traiteur chinois). Les chinois et les tibétains, eux, ils savent ce qu'ils veulent : gagner plein de pognon, réussir dans la vie, être admirés et ça, pour eux, c'est BIEN. Donc, quand on leur dit que ça n'est pas bien, mais que c'est futile, et qu'il faut s'en détourner, cela ne fait que produire un sain rééquilibrage. Maintenant, prenez un français moyen qui pense qu'il est un nullos, qu'il est coupable de la dépression de sa vieille mère, que la vie de toutes manières ne l'intéresse pas parce que c'est de la merde, et que lui même c'est de la merde aussi, et dites-lui de se détourner de cela. Le résultat sera la dépression. Ce type n'a déjà aucune vitalité à la base, le bouddhisme ne fera que lui enlever le peu qui lui reste. D'où cette atmosphère sinistre des centres bouddhistes. Nous sommes les bénéficiaires de tout ce joyeux héritage judéo-chrétien comme quoi la vie doit être difficile, qu'il faut se punir parce que par définition nous sommes mauvais, et ainsi de suite.

Je n'exagère pas. Cette discussion était partie d'une phrase du dalai-lama, comme quoi il avait mis très longtemps à comprendre que les occidentaux se détestaient, et dans quel état cette détestation de soi les plongeait. Car ça ne lui serait même pas venu à l'esprit que ça pouvait exister. Ce qui explique aussi que Chepa se marre quand quelqu'un lui dit "je ne m'aime pas". Il répond rigolant "mais si, tu t'aimes, tu joues du piano, tu manges bien"... Il ne s'agit pas de cela évidemment. Un tibétain n'a pas d'arrière-pensée. Quand il mange bien, en effet, c'est qu'il s'aime. Tout va bien pour lui. Un français, quand il mange bien, pour commencer on lui a dit au catéchisme que le plaisir était illicite et qu'il fallait vivre une existence austère. Donc déjà, il se sent coupable. Il n'est pas en train de gagner sa vie à la sueur de son front. Il n'est pas à l'hôpital en train d'aider les mourants. En plus il pense à tous les enfants qui meurent de faim dans le monde. Et quand il essaie de prendre l'air content de lui, on voit que c'est complètement faux. Les plaisirs de la vie n'ont jamais été permis pour lui. Alors si en plus on lui dit qu'ils sont illusoires, il va déprimer, et la dépression n'est pas du tout un état correct pour pratiquer. Donc sa pratique ne donnera pas de résultat, et il va déprimer encore plus et ainsi de suite. Alors que le tibétain, lui, il pratique sur une vitalité. La pratique ne fait que détourner son énergie vers des buts plus nobles que l'accumulation d'argent. Mais quand on n'a déjà plus d'énergie parce que rien ne vaut la peine ? Sur quoi va-t-on pratiquer ? Sur le néant ? Sur le désir de se punir ?

Bien sûr, tout le monde n'est pas comme ça, il y a des gens qui ont une vie sympa (dans leur perception) et qui en sont contents. Mais le problème, c'est que ceux qui sont attirés par le bouddhisme sont principalement les dépressifs, les coupables, ceux qui pensent que la vie ne vaut rien et qu'eux-mêmes ne valent rien, ceux qui veulent aller s'enterrer dans le froid et la neige. Ils vont vers le bouddhisme car ils pensent que le bouddhisme dit la même chose qu'eux, qu'en effet la vie et eux-mêmes ne valent rien. Mais la réalité c'est que le bouddhisme dit cela à des gens qui ont une haute estime d'eux-mêmes. Un jour, un grand lama disait à un traducteur :"Cessez de vous sous-estimer, et de croire que vous ne valez rien !". Il avait perçu cette tendance, assez marquée chez cette personne au demeurant.

Le problème, c'est maintenant d'arriver à gérer l'orgueil bien réel qui résulte du sentiment de sa propre nullité, car plus une personne se trouve nulle, plus en général est aura développé de l'orgueil par-dessus pour arriver à survivre. Et que faire aussi de cette énorme tendance à la distraction qui est la fuite de tout cela ? Un chinois qui travaille 14h par jour dans son magasin fera un bon pratiquant si on arrive à le détourner de son compte en banque. Mais un gars qui passe 14h par jour devant un jeu video ?

L'esprit occidental est vraiment compliqué. 

(...) Bref, le dépressif chronique (au moins 90% du public des sanghas), manquant d'identifier la Joie comme élément fondamental de la pratique, est capable de tout foirer en s'imaginant réussir. Donc, la conclusion de cela, c'est de dire que si ce qui vous a amené au bouddhisme, c'est le dégoût de la vie, la culpabilité, et l'auto-punition, il y a quelque chose à réviser d'urgence. Il qu'il ne s'agit pas simplement de devenir "content", car tout le monde prétend être content tout en étant extrêmement mécontent, mais d'identifier le mécanisme qui interdit d'être heureux. Mécanisme qui s'apparente à un coffre-fort de la Banque de France (avec la Joie à l'intérieur). "

lundi 13 mars 2023

Prière de St-François

Version diffusée par les  A.A. dans les années 90 :


"Seigneur, fais de moi un instrument de Ta paix;
là où se trouve la haine, que j'apporte l'amour;
là où se trouve l'offense, que j'apporte l'esprit de pardon;
là où se trouve la discorde, que j'apporte l'harmonie;
là où se trouve l'erreur, que j'apporte la vérité;
là où se trouve le doute, que j'apporte la foi;
là où se trouve l'obscurité, que j'apporte la lumière;
là où se trouve la tristesse, que j'apporte la joie.
Seigneur, fais que je cherche à consoler plutôt qu'à être consolé;
à comprendre plutôt qu'à être compris;
à aimer plutôt qu'à être aimé.
Car c'est en s'oubliant que l'on trouve.
C'est en pardonnant qu'on reçoit le pardon.
C'est en mourant qu'on s'éveille à la Vie éternelle."


Le savais-tu ?

La prière de saint François est une prière chrétienne pour la paix, communément mais erronément attribuée à François d'Assise, qui apparaît pour la première fois en 1912.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pri%C3%A8re_de_saint_Fran%C3%A7ois

Elle fait toujours son petit effet, quand on cherche un truc malin à dire la veille d'un enterrement où l'on fera mieux de fermer sa gueule si on tient à tout prix à s'y rendre utile.

mardi 28 février 2023

mes prisons

"La Bastille étant morte, il fallut mettre les prisonniers dans d'autres prisons; (car l'homme conserva l'habitude de mettre des prisonniers en prison) Mais ce furent celles de l'équité au lieu d'être celles de l'arbitraire; on n'y jeta plus que des coupables ou des ennemis du gouvernement. Le patriote Palloy s'employa activement à restaurer et bâtir des annexes. "Qu'il est doux, note son Journal, après avoir démoli les geôles de la tyrannie, d'édifier les prisons de la Liberté". C'est que rien ne vaut la liberté au sortir de la tyrannie."
Alexandre Vialatte. « Et c'est ainsi qu'Allah est grand. »

Toujours évaluer ton rapport au monde en fonction de ce critère : où en sont tes prisons.

Georges Warsen