Lorsque, au sommet de l’État, on invite à la sobriété, la meilleure réponse reste donc de brûler la chandelle par les deux bouts.
Dès la salle de maternité, quand vous venez à peine de pousser votre premier vagissement, quand vous êtes encore tout sanguinolent, avant même la première tétée, réclamez une coupe de champagne. Du meilleur. Millésimé. Idéalement, de l’extra-brut. (Choisissez un champagne à fines bulles. Vérifiez que l’équilibre entre acidité et sucrosité soit impeccable.)
Proposez à la sage-femme de trinquer avec vous. Par exemple, dites-lui : « Martine, soyez assez gentille pour reporter les premiers soins que vous aviez l’intention de me prodiguer. Jouissons ensemble de ce moment de joie auquel correspond ma venue sur Terre. La pesée, les mensurations, la coupe du cordon ombilical peuvent attendre, ne croyez-vous pas, Martine ? » N’hésitez pas à faire preuve de reconnaissance vis-à-vis de cette première personne qui aura permis votre passage de l’ombre utérine à la lumière de la vie extérieure. « Allons Martine, je vous en prie, faites-moi l’honneur de participer à cette petite cérémonie improvisée, asseyez-vous et buvons ensemble ! » (Il ne faut naturellement prénommer la sage-femme Martine qu’à la condition que la sage-femme se prénomme effectivement Martine. Il vous appartient d’adapter ces conseils à chaque situation particulière. Si la sage-femme se prénomme Amina, Janine, Marcel, appelez-la par conséquent Amina, Janine, Marcel.) Après une bonne série de décennies (huit, neuf, au-delà si vous en avez la force), n’hésitez pas à faire preuve de la même vitalité si c’est possible, en tous cas de la même convivialité, de la même chaleur, de la même audace, sur votre lit de mort.
Si, déjà, on a placé des bougies autour de votre lit pour favoriser le recueillement de ceux qui viendront vous rendre une dernière visite, profitez de la flamme vacillante pour allumer un dernier cigare. Au cas où vous posséderiez une belle boîte de Montecristo, de Cohiba ou de Bolivar, c’est l’occasion de lui faire un sort. Proposez-en tout autour de vous : au prêtre qui vient vous donner les derniers sacrements, au médecin qui vient avec un peu d’avance s’assurer de votre décès, aux proches, aux amis, à la famille... Pensez également à déboucher une dernière bouteille de champagne.
Il serait délicat, si elle vit toujours, d’inviter Martine (ou Amina, Janine, Marcel) pour cet ultime moment de partage. Ce sera l’occasion de faire des comparaisons bienvenues : « Ah ! tiens, il est encore meilleur que la dernière fois... », l’opportunité pour Martine (Amina, Janine, Marcel) de faire les dernières vérifications nécessaires : « Au fait, est-ce que j’avais bien coupé le cordon ? »
Il serait délicat, si elle vit toujours, d’inviter Martine (ou Amina, Janine, Marcel) pour cet ultime moment de partage. Ce sera l’occasion de faire des comparaisons bienvenues : « Ah ! tiens, il est encore meilleur que la dernière fois... », l’opportunité pour Martine (Amina, Janine, Marcel) de faire les dernières vérifications nécessaires : « Au fait, est-ce que j’avais bien coupé le cordon ? »
Chronique de François Morel : CONSEIL N° 24
dans Philosophie Magazine de décembre 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire