jeudi 26 septembre 2024

se rassurer

rien que le logo, j'en tremble.
Stephen King lui-même dit qu’aimer l’horreur c’est vouloir se rassurer, se préparer au pire et à la mort.

Quelqu'un parlant de Stephen King dans un Télérama de soudain, l'été dernier.



jeudi 12 septembre 2024

momie aztèque

Si j’essaie de me définir, je dirais — même si c’est moins le cas maintenant — que je suis solitaire, mutique et dépressif. Je peux rester chez moi, et me suffire à moi-même, entre lectures, écriture et musique — que je ne pratique pas, mais que j’écoute. En fait, réaliser des films m’oblige à me tourner vers l’extérieur. Je travaille avec un coscénariste, puis avec une équipe, ce qui est une bonne chose. Ensuite, quand le film sort, je dois m’adresser au public, à des gens que je ne connais pas. Cette ouverture me fait du bien.

Ça ne vous aurait pas tenté de devenir écrivain ?
Non, parce que ce serait un retour à la solitude. Et cet attrait pour la solitude est quelque chose dont je me méfie beaucoup, car il se traduit par des formes d’égoïsme terribles. Les gens, généralement, me trouvent très sympathique, mais ils ne connaissent pas le fond de ma personnalité. Ils ne connaissent pas la momie aztèque que j’ai en moi !

Jacques Audiard, dans Télérama du 21 Aout.

jeudi 5 septembre 2024

Le Yoga du rêve

Au départ, il est facile de croire que le rêve peut nous transmettre de nombreux enseignements. Personnellement, et malgré toutes mes tentatives, je n’ai jamais trouvé ce que je souhaitais, ni enseignements, ni conseils. Sans doute est-il possible d’en retirer certaines choses, mais pas sans un travail important d’incubation ou de décryptage des données. En fait, ceux qui attendent quelque chose des rêves sont les mêmes qui recherchent des maîtres. Je n’empêche personne de chercher un maître, mais je me demande si cela est très utile. J’ai vu quantité de gens qui avaient suivi des enseignements de toutes sortes, obtenu de grandes révélations et qui me tenaient des discours du genre “Je fais ceci ou cela parce que je sens que c’est ce que je dois faire actuellement, c’est ce qui est bon pour moi”. Mais ces gens restent toujours les mêmes, et on a l’impression que s’ils n’avaient pas fait ce qui était “bon” pour eux, leur vie n’aurait pas été différente. Pour moi, l’explication en est simple : faire ponctuellement ce qui est “bon” pour moi, yoga, méditation ou prière, ne me fera pas progresser tant qu’en dehors de cela je continuerai à mener la même vie stupide. Tant que je continuerai à mener ne serait-ce qu’une heure par jour de vie stupide, quand bien même je ferais à côté 15 heures de méditation, le seul fait que cette heure de stupidité soit me prouve que ma méditation n’a pas eu beaucoup d’effet, et rien ne me garantit que demain ne sera pas fait d’une heure de méditation et de 15 heures de vie stupide. Etre zen une heure par jour, tout le monde y arrive. Rien n’est plus commun que les gens qui ont de grandes révélations mystiques, il en pousse à tous les coins de rues. L’important n’est pas la révélation ou l’enseignement mais ce qu’on en fait. Les gourous et les rêves ne peuvent rien pour nous tant que nous ne comprenons pas que notre évolution spirituelle est l’affaire de chaque instant.

Du rêve lucide au Yoga du rêve : 282 rêves lucides commentés (coll.privée)

dimanche 1 septembre 2024

Rareté de l'attention

« Dans un monde riche en informations, l'abondance d'informations entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté  de ce que l'information consomme, et ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses destinataires. Donc une abondance d'informations crée une rareté de l'attention, et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer »

Herbert Simon a dit cela en 1971, et il est cité dans Socialter de juillet-aout consacré à l'emprise numérique (peut-on lui échapper ?) dans une traduction légèrement différente.
Un certain nombre de techniques de renoncement au numérique sont suggérées, qui m'ont tout l'air de gimmicks de bobo, et qui ne valent pas ce remède de grand-mère qu'elle m'a vendu sur son lit de mort : laisser l'ordinateur éteint, tant qu'on n'en a pas besoin pour accomplir une tâche déterminée. 



vendredi 30 août 2024

Les Jeux Paralympiques de la biroute

 Si j'ai regardé les Jeux Olympiques ? J'ai déjà très peu de temps pour faire du sport, mais alors, en regarder à la télé, ça me dépasse complètement. C'est comme si je préférais regarder du porno, plutôt que de faire l'amour avec ma femme. En plus, elle ne devient pas hystérique si je ne gagne pas 5 millièmes de seconde par rapport à la fois d'avant. Bien au contraire.

lundi 12 août 2024

Eurasien


« Aujourd’hui encore, le gardien au visage poupon qui vient me surveiller chaque jour me traite de bâtard quand ça lui chante. Cela ne me surprend pas, même si j’espérais mieux de la part de vos hommes, mon cher commandant. Je l’avoue, le mot me fait encore mal. Peut-être, pour changer, pourrait-il me traiter de corniaud ou de demi-citron, comme d’autres l’ont fait par le passé ? Et pourquoi pas métis, le terme qu’utilisaient les Français quand ils ne m’appelaient pas Eurasien ? Eurasien me conférait un vernis romantique auprès des Américains, mais ne m’avançait à rien avec les Français. J’en croisais encore de temps en temps à Saigon, colons nostalgiques qui s’entêtaient à rester dans ce pays après la liquidation de leur empire. Le Cercle sportif était leur repaire. Ils y sirotaient du Pernod tout en ressassant le passé de ces rues saïgonnaises qu’ils appelaient encore par leurs noms français : le boulevard Norodom, la rue Chasseloup-Laubat, le quai de l’Argonne. Ils régentaient le personnel indigène avec une arrogance de nouveaux riches et, quand je me présentais, me considéraient avec l’œil soupçonneux de gardes-frontières vérifiant les passeports.
Néanmoins, ce ne sont pas eux qui ont inventé l’Eurasien. La paternité en revient aux Britanniques, en Inde, lesquels avaient également jugé impossible de ne pas croquer dans le chocolat local. Comme ces Anglais à casque colonial, les soldats des forces expéditionnaires américaines dans le Pacifique n’avaient pas résisté aux charmes des indigènes. Eux aussi avaient inventé un mot-valise pour décrire les gens comme moi : les Amérasiens. Bien que dans mon cas le terme ne fût pas approprié, je pouvais difficilement en vouloir aux Américains de me prendre pour un des leurs, étant donné que les rejetons tropicaux des GI pouvaient à eux seuls former une petite nation. Aux acronymes, nos compatriotes préféraient les euphémismes ; les gens comme moi, ils les appelaient la poussière de la vie. Plus concrètement, l’Oxford English Dictionary que je consultais à Occidental College m’apprit que je pouvais être qualifié d’« enfant naturel », et dans tous les pays que je connais je suis un fils illégitime. Ma mère m’appelait son enfant de l’amour, mais je n’aime pas m’attarder là-dessus. En fin de compte, c’était mon père qui avait raison. Il ne m’appelait rien du tout.»

Viet Thanh Nguyen. « Le Sympathisant. »

dimanche 11 août 2024

bon pour la planète


« Qu’est-ce qu’il y a de mal à trafiquer l’héroïne ? La blanche est expédiée en Europe ou en Amérique. Imagine un narcissique, un nombriliste qui, sans elle, aurait provoqué une pollution inimaginable en se rendant tous les jours à son travail, probablement seul dans sa voiture, pour y consommer de l’électricité dans un bureau surchauffé… Grâce à nous, il reste chez lui dans les vapes et se fait virer de son boulot. Son travail est sous-traité au Bangladesh, où quelqu’un l’accomplit pour le cinquième de son salaire et, avec ça, nourrit une famille de sept personnes. En plus, ce gars-là va à son bureau à bicyclette – c’est bon pour la planète. »


John Burdett. « Le parrain de Katmandou. » Presses de la Cité